La meuf qui a mauvaise réputation

“La meuf qui a couché avec plus d’une demi-douzaine de mecs, elle n’est pas sérieuse», «Ce n’est pas le genre de fille à présenter à ses parents», «Une fille qui se respecte ne doit pas coucher le premier soir»… J’en passe et des meilleures. En matière de sexe, quand on est une meuf, on marche sur des œufs pourris.

N'importe quelle fille peut devenir la meuf qui a mauvaise réputation du jour au lendemain. Un miséreux random-sex post rupture, un malheureux verre de trop et ce beau brun qui ne nous lâche pas, et le lendemain la belle-fille idéale se ballade avec une étiquette PUTE collée sur le front.

Essayons de trouver l’équivalent de ces douceurs sonores à destination des hommes : mais « Matthieu est une belle petite salope », ça sonne faux. On dira volontairement, le cas échéant, «Matthieu est un vrai connard», seulement après qu’il vous a allègrement trompé avec votre meilleure amie. Pas parce qu’il a chopé deux filles en soirée du temps où il était célibataire. En effet, ça ne dérange personne quand c’est un homme qui papillonne et multiplie les one-night-stands, distribuant son nectar à tout-va. Ça fait marrer les potes, leur regard est même teinté d’admiration. Quant à nous les filles, on s’en tamponne, on ne juge pas (tant que ce n’est pas notre mec).

A l’inverse, une fille doit faire bien attention à ses faits et gestes dans ce domaine. Et surtout savoir se taire. Elle ne peut pas se permettre de fanfaronner auprès de ses ami(e)s comme son homologue masculin. Sauf auprès de sa meilleure amie. Mais elle est partie avec Matthieu, la salope.

Alors, à l’heure de la parité, la révolution sexuelle déjà bien dernière nous, pourquoi cette inégalité est-elle toujours aussi criante entre les sexes ? Si toutes les filles étaient "sages" et "respectables", avec qui les Don Juan s’acoquineraient-ils ? Ne reproche-t-on pas aux meufs qui ont mauvaise réputation ce que tous les hommes font ?

La thèse anthropo-biologique (aka «C’est pas moi chérie, c’est de la faute à l’homo erectus»)

Apparemment ce serait inscrit dans les gènes masculins depuis la nuit des temps. L’homme de la préhistoire est un chasseur, un conquérant, celui qui donne et agit, alors que la femme préhistorique est la gardienne du feu, celle qui reçoit et attend. Poussés par dame nature, les hommes auraient besoin d’assouvir leur désir de procréation. Leur devoir est de repeupler la planète. Mission divine on vous dit.

Notre cerveau reptilien, réminiscence archaïque de notre état animal, est là pour nous rappeler que nous devons nous battre pour la survie de notre espèce. Les femmes cherchent des hommes grands et forts (s’ils ont du pouvoir c’est encore mieux, ça annule même les deux précédents adjectifs), les hommes des femmes belles et saines (cf Carla et Nicolas et tant d’autres).

Pour corroborer cette vision, les scientifiques s’accordent à dire que l’amour dure 3 ans (en gros le temps que l’enfant ne soit plus une larve). L’homme peut alors aller «féconder» une nouvelle femelle, pendant que la première s’échine à son rôle de mère nourricière. L’infidélité serait donc l’apanage des hommes depuis la nuit des temps, et le désir des femmes moins pressants, s’il n’est pas considéré comme inexistant. Nous n’en aurions pas besoin. Partant de là, la femme «libérée», moderne, étonne et détonne.

La thèse socio-hormonale (aka «C’est pas moi chérie, c’est de la faute à la testostérone»)

Les hommes n’aiment pas savoir que d’autres hommes nous ont fait ce qu’ils s’apprêtent à nous faire. C'est un peu comme si ils touchaient le zizi du précédent. Et ça c'est trop gay. Ils aimeraient tous être les premiers, même s’ils sont bien contents que nous démontrions un peu d’expérience. Et pour ça, il a bien fallu voir d’autres loups avant le leur. Mais ils aiment à nous imaginer pures et innocentes (vous savez que les filles ne font pas caca?).

Ils ne sont pas à une contradiction près (les filles non plus je vous l’accorde, parité oblige). La princesse peut être destituée sur le champ et se transformer en vulgaire plan cul si elle a le malheur d’avouer qu’elle a déjà participé à un plan à trois. L’homme ne veut pas savoir. Il préfère croire qu’avec lui c’est spécial, qu’il nous a révélée à nous même. Et puis, c'est bien connu: les hommes ont besoin de faire l’amour pour tomber amoureux alors que les filles ont besoin d’être amoureuse pour faire l’amour... (allô on est en 1852?)

Alors Mesdemoiselles il va falloir mentir. Par omission, ou effrontément. Ou bien choisir de clamer haut et fort que vous aimez être retournée contre la cheminée par le ramoneur, et sur la machine à laver par le plombier.

La thèse Psychologie Magazine (aka «C’est pas moi chérie, c’est de la faute à ma maman»)

Pour certains, une fille est une future mère et une mère ne peut pas être une «marie-couche-toi-là». Psychologie de comptoir tirée par les cheveux? Pensez-y. On entend souvent dire que la fille idéale serait un mélange entre la mère et la pute. Eviter toute attitude castratrice qui pourrait fragiliser la virilité des hommes. Être entreprenante sans être nympho, curieuse sans être trop catin. Sinon on risque de paraître trop libérée pour être honnête…

Quid des filles qui jugent les autres filles? Un mot: jalousie. Bah ouais, parce qu’elles ont plus de cellulite que la meuf qui a mauvaise réputation. Toutes des salopes !